feuilles d'automne
Ma chère E.
Il y aura bientôt trois ans, quelques jours avant de mourir, tu m'as donné une bague. C'était une belle bague que tu avais fait fabriquer avec de l'or de vieux bijoux de famille, et une citrine que l'on t'avait rapportée de Turquie. Elle était étrange et dissymétrique. Tu voulais absolument me l'offrir afin que je puisse un jour la vendre pour m'acheter un ordinateur portable.
De cette époque-là j'ai conservé la manie de parfois laisser traîner un peu la vaisselle d'un repas qui aura été gai et chaleureux, continuer à voir l'éclat des verres et sentir quelques odeurs de cuisine, comme si les convives étaient encore là. En souvenir de ce dernier repas qui fut très animé, une soirée de filles pendant laquelle nous avons ri et pleuré. Nous ne savions pas. Tu savais.
Aujourd'hui, j'ai enfin acquis cet ordinateur portable, en déplorant comme chaque fois que je fais un achat important, les dérives de notre société de consommation. Tu te rends compte ? Je vais pouvoir bloguer depuis mon lit ou ma cuisine, et aller travailler avec. Tu te souviens, la première fois où nous avons échangé par messagerie instantanée ?
La bague, je l'ai gardée.
J'ai toujours ton adresse dans ma messagerie.