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Les caprices d'Ennairam
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29 octobre 2010

D'autres couleurs

Lire et relire Orhan Pamuk, Istanbul étant l'un des plus beaux guides de la ville à déguster avant et après ...


J’ai vécu l’Istanbul de mon enfance comme un lieu en deux teintes, à moitié obscur, couleur de plomb, dans le style des photographies en noir et blanc ; c’est aussi ainsi qu’il m’en souvient. Bien que j’aie grandi dans la semi-obscurité d’une maison-musée à l’ambiance pesante, je lui dois sans doute une part de ma passion pour les espaces intérieurs. L’extérieur, les rues, les avenues, les quartiers éloignés m’ont toujours fait l’impression d’être des lieux dangereux, comme sortis de films de gangsters en noir et blanc.
J’ai toujours préféré l’hiver à l’été d’Istanbul. J’aime contempler les crépuscules précoces, les arbres dénudés qui tremblent dans le poyraz, et, au cours des jours de transition de l’automne à l’hiver, les gens qui rentrent chez eux à pas empressés, par les rues à demi-obscures, vêtus de leur manteau noir et de leur veste. Et les murs des anciens immeubles et des konak en bois effondrés, qui prennent une teinte propre à Istanbul, fruit de l’absence d’entretien et de peinture, éveillent en moi une agréable tristesse et le plaisir de la contemplation.

.../...


Dans ma tête, les artères de Beyoglu, et ses recoins ténébreux clignotaient comme des néons, m'incitant à fuir tout en me culpabilisant. Comme je pouvais le sentir dans des moments de colère et de sensibilité exacerbée, toutes ces rues plongées dans une semi-obscurité, à la fois attirantes, sales et sordides que j'aimais tant, avaient depuis longtemps pris la place de ce deuxième monde dans lequel je pouvais m'échapper. Je savais que ce soir-là il n'éclaterait pas de dispute entre ma mère et moi, que peu après je passerais la porte, et fuirais vers ces rues qui m'apporteraient consolation et réconfort ; puis, après avoir longuement marché, je rentrerais au milieu de la nuit et m'assiérais à ma table pour restituer quelque chose de l'atmosphère et de l'alchimie de ces rues."Je ne serai pas peintre, dis-je, moi, je serai écrivain".

Orhan Pamuk
Istanbul

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