Les mules du pape
"Il faut arroser les couilles du pape !" s'écrie ma fille alors que je termine mon bol de café matinal.
"Elle retient mieux ça que le catéchisme !" aurait rétorqué feu son grand-père anticlérical élevé dans une école catholique.
Ces "testicules du pape", comme les appela un jour mon grand-oncle le petit jardiner de la rue du Midi, chauve et tatoué, gardien des serres de la ville, dont la voix tonitruait le long du canal et jusqu'à la boule du microscope électronique, désignent la colorée calcéolaire. La fleur rappelant quelque précieuse bourse, ses couleurs chatoyantes en font-elles un attribut de la papauté ?
Le mot calcéolaire, m'explique le Robert historique, vient de calceolaria dérivé du latin calceolus : chaussure (chausson, et autres pantoufles !). J'apprends dans le Lexis que la calcéolaire est une scrofulariacée, de scrofule : genre de tuberculose. On soignait la scrofule avec ...des scrofulariacées. Dans la même famille, la digitale soignait les maladies de cœur, parfois de manière radicale.
Ici tout se complique : les scrofuleux portent des lésions appelées aussi écrouelles : celles que les rois avaient le pouvoir de guérir le lendemain de leur sacre (on ne dit rien sur les papes). Scrofulae viendrait du latin classique scrofa : truie, qui en bas latin devient vulve (j'y perds le mien). En latin populaire le terme scrofellae serait un calque du grec khoiros : objet en forme de dos de cochon, désignant des écueils à fleur d'eau, le pluriel khoirades étant utilisé pour écrouelles par analogie de forme.On pouvait aussi trouver l'orthographe scrophule.
La sonorité de scrofulariacée n'est pas sans évoquer le scrotum oublié par mon Robert historique, qui signifie petit sac : c'est ainsi que, de couilles du pape à calcéolaire, l'aiguillette est nouée.