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Les caprices d'Ennairam
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26 octobre 2009

Blogeuse en wacances

Je ne résiste pas au plaisir de vous copier, des touches blanches de mon clavier, cet extrait de "l'éléphant est irréfutable" d'Alexandre Vialatte. La chronique a pour titre "Chronique du marin écœuré", je ne la transcris pas inextenso...

Que feront les hommes quand ils ne feront rien ?
.../...
La différence est faible, et la distinction difficile entre le travail et le loisir, encore qu'on se rende compte assez vite que le travail est le moins fatigant. Quand le guide et le villégiateur viennent d'arriver au sommet du mont Blanc en passant par une paroi lisse qu'on ne peut escalader qu'avec les griffes et le bec, au moyen d'une échelle pliante, le guide a les joues roses, le souffle régulier et réclame une choucroute garnie, le villégiateur n'est plus qu'une patte-mouille gémissante, une gélatine irresponsable, une éponge de malédiction. Il n'a plus d'ongles, il n'a plus de dents. Il réclame un lit sur le champ, ou à défaut une chaise pliante. C'est pourtant le guide qui travaille et le villégiateur qui s'amuse ; c'est le villégiateur qu'on envie. On voit par là que loisir et travail ne se différencient que dans l'esprit. Le loisir est un état d'âme.
.../...
Le loisir c'est le travail du voisin, le loisir c'est de changer d'outil, c'est le livre pour le jardinier, c'est la bêche pour le bureaucrate. On voit par là que la tâche restant la même, il suffit que les équipes changent de travail entre elles pour que l'humanité soit dans l'ère des loisirs. L'éden n'est qu'une question d'horaire. Le paradis s'obtient par roulement. Si bien que nous y sommes peut-être, comme le veut monsieur Gaston Berger.  Il suffit en effet que nous considérions qu'ayant changé deux fois avec le même voisin, nous nous retrouvons devant la même tâche ; qu'au lieu de la faire, nous la refaisons ; qu'en face d'elle nous disions "Encore !..." (comme il nous arrive si souvent) ; c'est le loisir, c'est le travail joyeusement consenti !
.../...
Le loisir est une chose étrange. "Que feront
les hommes quand ils ne feront rien ? " demande monsieur Gaston Berger. Ils feront la même chose qu'avant. Le métier repose du métier. Je connais un violon de l'opéra qui va écouter des concerts dès qu'il a un après-midi, et un lieutenant de la marine marchande qui est dégouté de sa profession ; il veut entrer dans l'industrie, il veut gagner beaucoup d'argent. "Qu'en ferez-vous ?" lui ai-je demandé. "Je passerai ma vie à naviguer", m'a dit le marin dégouté de la marine. C'est bien ce que je disais dès le début. Quand l'homme n'aura plus rien à faire, il fera enfin son métier. L'homme est un marin écœuré qui veut entrer dans la marine.   

Alexandre Vialatte (vers 1961)

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