Alexis et Nicole
"L'argent est un bon serviteur et un maitre impitoyable" me dit-il en commentant l'attaque (c'est le terme qu'il emploie) de la pharmacie du quartier. Alexis (je ne lui ai jamais demandé quel était son prénom) a un âge avancé, le ventre rond, l'accent de là-bas, et une verve intarissable. Je le croise à la piscine, dans la rue, dans les magasins, où il fait sourire le chaland. "Vous connaissez la citrine ?" me demande-t-il un jour, assis sur le banc d'un abribus, "oui bien sûr", "eh bien vous êtes rayonnante comme une citrine" me répond-il.
A Toulouse c'est Nicole que je croise dans tous les théâtres : des cheveux noirs, la coupe au carré et le dos un peu vouté, coquettement vêtue, elle connaît tous les specatcles, tous les acteurs et les metteurs en scène, elle interpelle le quidam pour avoir son avis et a toujours une opinion à émettre, un commentaire à ajouter. Elle ne rate pas un festival d'Avignon ; elle a le véritable accent de Toulouse, celui qui s'est presque perdu, et des yeux noirs piquants. Elle dit ne jamais lire, ne pas avoir la patience de fixer son attention sur la feuille blanche couverte de signes,elle le déplore, mais elle se tient au courant de tout par d'autres biais. Toulousains, vous avez surement tous rencontré Nicole au moins une fois dans vos sorties nocturnes ; je l'ai déjà écrit : elle me manquera la nuit où elle ne sera plus là.