paix à leurs cendres
En passant devant, l'autre jour, ma fille s'est exclamé "Ils ont enterré quelqu'un sur le rond-point ?".
Cet édicule inauguré dimanche, est un hybride entre la tombe et le barbecue. Ce n'est qu'en m'approchant que j'ai compris que le gril etait destiné à recevoir les gerbes. Auparavant, il y avait là de délicieux parterres de fleurs, qui égayaient un peu la mornitude de ce paysage urbanisé à la diable.
Je n'ai pas de problème avec la mort, que j'attends avec un mélange de terreur, de curiosité, et de sérénité. Je peux voir des morts, accompagner quelqu'un, y penser, en parler, j'aime visiter les cimetières. Ma vie est une suite de petits arrangements avec la mort. J'ai souvent en tête le "Que philosopher c'est apprendre à mourir " de Montaigne. Longtemps je ne me douchais pas le matin sans avoir une pensée pour les futurs morts du jour, inconnus. Oui, mais ce n'est pas une raison pour qu'ils soient partout. Je persiste à croire que leur place physique est au cimetière, ou en un lieu équivalent, mais pas dans notre quotidien.
Je l'avoue malgré tout, je le trouvais bien sympa le squelette de la salle de sciences au lycée, un vrai, que nous aimions saluer avec un mélange de bonne humeur et de respect.
Bouquets artificiels et photos plastifiées fleurissent aux carrefours où des malheureux ont commis l'erreur fatale de ne pas respecter la priorité. La prévention routière en rajoute en décorant tous les étés nos routes touristiques de silhouettes macabres. On pourrait d'ailleurs imaginer que cette pratique poussée à l'extrême ferait signaler sur chaque bâtiment toutes les personnes qui y ont laissé la vie, et autres idées saugrenues de ce genre.
Un projet de loi serait à l'étude concernant les cendres de nos défunts, que parfois on lance encore tièdes dans le vent. Les élus s'émeuvent du fait que l'on puisse en disposer librement.
On les disperse dans son jardin (et ensuite, on n'ose plus vendre la maison sous prétexte que les parents sont là, que dire aussi des futurs propriétaires, faudra-t-il délivrer des certificats : garanti hors cendres funéraires ?), on arbore les urnes sur la cheminée (ben oui, des cendres). Les héritiers se les partagent parfois (non merci, je n'en ferai rien). Et une artiste proposait -sans doute a-telle fait des émules- de les incorporer à des liants, et quelques pigments afin de peindre des tableaux spirituels, à l'honneur du disparu.
J'aime bien l'idée de "jardins du souvenir" au coeur des cimetières.
En tout cas, de mon petit jardin du rond-point, aujourd'hui dédié à un héros de quarante, il ne reste que cendres.
Ils auraient aussi bien pu en faire un boulodromme...